16.10.2023Luca Aerni: «Crans-Montana, le ski et moi: une histoire qui remonte à l’enfance»
Champion du monde, champion olympique, désormais domicilié à Mollens, Luca Aerni évoque sa carrière sur le circuit Coupe du monde, son statut d’ambassadeur de Crans-Montana et ses projets d’avenir.
Il est arrivé à notre rendez-vous avec un bronzage et un sourire qui fleurait bon la montagne après une semaine de vacances et un stage avec l’équipe suisse qu’il qualifie de magnifique, à la pointe sud de l’Argentine, dans la mythique région d’Ushuaïa, capitale de la Terre de feu. Champion du monde de Super combiné et champion olympique du Team Event avec la sélection nationale, Luca Aerni entamait à ce moment-là la dernière ligne droite d’une préparation qui pourrait déboucher sur la saison du renouveau.
«Je suis 26e mondial en ce début de saison, mais ma préparation se déroule de manière idéale. Pas de pépin de santé, du foncier de qualité. Je débute cette phase de travail de force et d’explosivité avec un gros moral. Je peux avoir de l’ambition, même si tout ne va pas forcément changer d’un coup de baguette magique à Gurgul (Autriche) le 18 novembre, lors du premier slalom. Je vais d’abord devoir me battre pour remonter dans les listes de départ. On sait que les dossards jouent aujourd’hui un rôle majeur dans les classements finaux.»
Tombé dans la marmite…
Le ski, le petit Luca est tombé dedans. Papa professeur de ski, maman itou. Il avait à peine deux ans quand on lui a mis des lattes aux pieds pour la première fois. «Je suis né à Châtel-St-Denis le 27 mars 1993. Mais j’ai passé mes quatre années initiales à Crans-Montana. Le ski était omniprésent dans la famille. Ainsi, quand nous avons déménagé à Grosshöchstetten dans le canton de Berne, nous avons continué à venir skier tous les week-ends d’hiver à Crans-Montana où nous louions un appartement. Le Haut-Plateau, le ski et moi, c’est donc vraiment une histoire qui remonte l’enfance.»
Les racines du succès
Une expérience capitale va d’ailleurs faire basculer sa vie: «À six ans, au ski-club Les Barzettes (Crans-Montana), j’ai participé à ma première course. Skier dans le but d’aller le plus vite possible m’a laissé une impression très forte, un feeling que je ressens aujourd’hui encore en Coupe du monde.»
Adolescent, Luca — qui rêvait aussi de devenir gardien de football — finit par choisir définitivement le ski. Déjà très attentif aux conseils des entraîneurs, le jeune garçon atteint son premier objectif : la sélection pour Swiss-Ski. Durant cette période, il termine son apprentissage de gestionnaire du commerce de détail dans un magasin de sport à Brigue, non loin du centre de performance où il poursuit son cursus d’espoir du ski suisse. «J’ai du reste fait partie des premiers à bénéficier du centre Ski-Valais monté par Pirmin Zurbriggen.»
À noter pour la petite histoire que, de l’époque des débuts à Crans-Montana, il lui reste de nombreux copains, dont un certain Marc Rochat avec qui il skie toujours en équipe suisse sur le Cirque blanc.
Pré-saison à domicile
Désormais installé à Mollens, Luca Aerni a préparé sa saison 2023-2024 à domicile: «J’ai toutes les facilités ici pour ma préparation physique. Je dispose d’un entraîneur personnel qui me façonne un programme sur mesure. Côté fitness, je vais à la salle du Driving Range. Et si je veux courir ou faire des exercices en plein air, j’ai l’embarras du choix.»
Après le travail de fond durant l’été, Luca a soigné spécifiquement sa force d’explosivité. «C’est capital en compétition, surtout dans ma discipline de prédilection, le slalom, où les athlètes de pointe se tiennent souvent en quelques centièmes de seconde.» Car celui qui a touché les étoiles en 2017 - avec un titre mondial du combiné alpin et une deuxième place à la classique de Madonna di Campiglio – n’a bien évidemment pas renoncé à tutoyer les Kristoffersen ou autre Braathen. Sans compter ses coéquipiers plus habitués des lauriers ces dernières saisons. «Quand tu as goûté à la saveur particulière des podiums, tu n’as qu’une chose en tête : y retourner le plus vite possible. Et pour le faire, tu es prêt à tous les sacrifices! Même lorsque j’ai enchaîné deux années plus difficiles, en 2018 et 2019, je n’ai jamais perdu la volonté de m’améliorer.»
Ambassadeur de Crans-Montana
Luca Aerni a été nommé ambassadeur de Crans-Montana: «Je suis très fier de pouvoir représenter ma station dans le monde entier, notamment dans la perspective des Mondiaux de 2027.» La région de Crans-Montana, il avoue ne pas avoir fini de la découvrir: «Je connaissais le domaine skiable depuis l’enfance; et comme je suis loin l’hiver pour la compétition, je me laisse séduire de plus en plus par le Crans-Montana version été. Il y a des possibilités de marche, de jogging ou de vélo extraordinaires. Si je veux me rafraîchir, il y a tous les lacs à disposition. Et puis, plus récemment, j’ai découvert le plaisir du golf.
Chaude ambiance et primes de course
À trente ans, notre homme a encore de beaux jours devant lui. «Je pense skier jusqu’en 2027. Notamment pour vivre pleinement les Jeux olympiques de Milan 2026 et les Mondiaux de Crans-Montana, parce que j’ai connu la Corée où j’ai été médaille d’or par équipe, la Russie et la Chine, autant de JO qui étaient dépourvus d’une vraie ambiance populaire. On était à des années-lumière de l’ambiance folle qu’on peut connaître à Adelboden, Wengen ou St-Moritz. En Italie et en Valais, il y a fort à parier qu’on sera servi!»
De bon augure pour la fantastique équipe suisse masculine de slalom. «On a de la chance, reconnaît Luca Aerni. On a tous bénéficié des excellentes filières de formations qui sont les nôtres. Swiss-Ski a de l’argent et peut nous aider en finançant tous nos hôtels et tous nos déplacements. L’intérêt pour notre discipline nous permet aussi de trouver des sponsors privés afin de boucler nos budgets et de pouvoir vivre ainsi de notre passion. Les primes offertes en course se sont aussi améliorées. Le vainqueur touche ainsi au minimum 50'000 francs, le 2e 22'000 et le 3e 10'000. Des bourses équivalentes entre les hommes et les femmes, soit dit en passant.»
Et Luca de compléter : «Il y a également cette grosse émulation entre nous qui pousse chacun à se dépasser à l’entraînement. Sans oublier l’ambiance qui fait qu’on a du plaisir à partager des choses même en dehors du ski, dit-il en éclatant de rire. En même temps, il vaut mieux quand on vit ensemble plus de 200 jours par an!»
Par Jean-François Fournier