05.02.2024Séisme du 25 janvier 1946: le Valais, une terre fortement exposée aux tremblements de terre
Le premier chapitre de notre série sur le séisme de 1946 explique ce qui se passe quand la terre tremble, et souligne combien le Valais est une zone particulièrement exposée aux risques sismiques.
Comment se produisent les séismes ?
Ce sont les déplacements des plaques tectoniques à des vitesses différentes et dans des directions différentes qui sont à l'origine de la plupart des tremblements de terre. Ces déplacements provoquent des contraintes qui s'accumulent le long des failles de la croûte terrestre. Lorsque ces contraintes sont suffisamment fortes, elles se déchargent en un mouvement soudain et saccadé. La grande quantité d'énergie ainsi libérée se propage sous la forme d'ondes à travers la terre et provoque les secousses d'un tremblement de terre.
En Suisse, les séismes peuvent survenir n'importe où, mais certaines régions présentent un aléa sismique (la probabilité qu’un séisme frappe une région) plus important que d'autres. C'est le cas du Valais, suivi de Bâle, des Grisons et de la vallée du Rhin saint-galloise. Les statistiques démontrent qu'un séisme entraînant des dommages (soit d'une magnitude sur l'échelle de Richter égale ou supérieure à 6) survient en Valais en moyenne une fois par siècle. Les données historiques confirment ce fait : en 1684, un tremblement de terre se produit dans le Haut-Valais, des maisons sont complètement détruites, le village de Grächen est partiellement recouvert par un éboulement ; en 1755, c’est la ville de Brigue qui est sinistrée ; en 1855 un nouveau séisme ébranle le Haut-Valais, à Viège et surtout Saint-Nicolas où les dégâts sont considérables, avec des gens qui dorment dehors durant plusieurs nuits. En fait, depuis l'an 1000, sur 28 séismes d'une magnitude supérieure à 5,5 en Suisse et dans les régions limitrophes, la moitié d’entre eux se situe en Valais ou proche du canton.
Un risque important, mais sous-estimé
Un grand tremblement de terre figure parmi les plus importants risques recensés en Suisse, juste après une pénurie générale d'électricité. Le Service Sismologique Suisse estime que si un séisme de grande magnitude survenait aujourd'hui à proximité immédiate de Sion, il causerait une centaine de morts, 700 blessés et près de 4,5 milliards de francs de dommages. Ce risque est le plus souvent ignoré par la population, alors que les conséquences d’un tel scénario sont clairement dévastatrices. Puisque les spécialistes sont incapables de prévoir les tremblements de terre, le seul instrument de lutte qui prévient efficacement ces phénomènes est la construction parasismique (obligatoire pour les nouvelles constructions depuis 2004 en Valais). Une assurance tremblement de terre permet d’atténuer les conséquences financières des séismes, puisque les dommages sont à la charge des propriétaires.
Les événements du 25 janvier 1946
Le 25 janvier 1946, à 18 h 32, les communes valaisannes sont plongées dans la pénombre de la nuit. La plupart des gens sont chez eux, en train de préparer le souper. On cause de l'hiver rigoureux, de la guerre qui s'est enfin terminée. Tout paraît paisible. Soudain, la terre se met à trembler de façon très violente. Cela ne dure qu’une dizaine de secondes, mais ce laps de temps est suffisant pour provoquer des dégâts considérables : à l'intérieur des maisons, tout est sens dessus dessous. Le garde-manger est renversé. Les étagères sont au sol. Les enfants se mettent à hurler. Par réflexe, tout le monde se précipite dehors. C’est la panique générale.
L'épicentre du séisme se situe dans la région du Rawyl, à une profondeur d'environ 10 kilomètres. La Suisse entière est ébranlée. Les sismographes des observatoires de Zurich et Neuchâtel ont explosé sous la violence du choc. Le tremblement de terre est ressenti dans toute l'Italie du Nord, en Autriche, en Allemagne et en France voisine. Aujourd'hui, on estime que cette secousse a atteint une magnitude de 6,1 sur l'échelle de Richter. Cette échelle est exponentielle : un séisme de magnitude 6 est trente fois plus fort qu’un séisme de magnitude 5 et 27 000 fois plus fort qu’un séisme de magnitude 3. C'est donc une secousse véritablement énorme qui a eu lieu ce jour-là, classant ce tremblement de terre parmi les dix plus puissants du dernier millénaire sur sol helvétique.
Les conséquences de l'événement dans le canton
Les dégâts sont nombreux et concernent tout le Valais. Ils diminuent toutefois à mesure qu’on s’éloigne de l’épicentre. La région la plus touchée est évidemment le Rawyl. Heureusement, la zone est inhabitée durant les mois hivernaux. Les dégâts au paysage permettent de mesurer la violence des secousses : gigantesque éboulement, glissements de terrain, arbres arrachés et des dizaines de mayens gisant au sol, complètement disloqués. L’alpage de Serin est détruit. La seconde zone la plus touchée englobe une grande partie du Valais central, dans un axe allant de Loèche à Sion. Les villes de Sierre et Sion, ainsi que Montana, Ayent, Chippis et Chermignon sont, dans l'ordre, les communes les plus sinistrées. C’est là que les réactions de la population sont les plus fortes, entre panique et traumatisme. Ailleurs, le tremblement de terre est fortement ressenti et provoque çà et là de petits dégâts, mais n’endommage qu’à de rares occasions les infrastructures.
Bilan humain
Selon mes recherches, le séisme a causé deux victimes : une femme a fait un arrêt cardiaque à Sierre, au moment de la première secousse et un ouvrier est décédé à Aix-les-Bains (en France voisine) lorsque le cric qui retenait sa voiture s’est affaissé à cause du tremblement de terre. Il y a également eu des dizaines de blessés, le plus souvent durant la fuite à l’extérieur des bâtiments.
De nombreux éléments ont préservé notre canton d'une catastrophe plus grave encore. L'épicentre du séisme est situé dans un endroit inhabité et la secousse principale a duré moins de dix secondes. Le territoire valaisan est encore faiblement construit et la densité de la population est basse. Hormis dans les zones touristiques, la plupart des habitations reposent sur un élément qui résiste très bien aux secousses sismiques : le bois. Les mazots, symboles de notre canton, plient mais ne rompent pas. Cela étant, la chance est aussi entrée en ligne de compte. Des témoins racontent qu'une cheminée est tombée à quelques mètres d'eux. Mais l’exemple le plus frappant est l’effondrement de la voûte de l’église de Chippis, qui a eu lieu quand l’édifice était inoccupé.
Par Martin Bagnoud
Sources
SEISMO.ETHZ, site internet du Service Sismologique Suisse, institution fédérale.
Mariétan, Ignace, « Le tremblement de terre du 25 janvier 1946 », Bulletin de La Murithienne, n° 63, 1946.
L'exposition «Tremblements de peur» est à voir du 20 février au 24 avril 2024 à la Bibliothèque de Crans-Montana. Elle sera ensuite visible à l'EMS Le Christ-Roi (en juin), dans les jardins d'Ycoor (juillet-août) et au Centre scolaire de Crans-Montana à la rentrée. Les articles de Martin Bagnoud font l'objet d'une publication gratuite disponible à la Bibliothèque.