21.08.2023«Notre agriculture est menacée: il lui faut des projets innovants!»
Expert en gouvernance et en conduite de projets régionaux durables, François Parvex anime actuellement les réflexions communales en matière d’agriculture et de développement territorial, notamment à Crans-Montana.
L’homme possède une sacrée carte de visite. Ingénieur civil EPFL, ingénieur agronome ETHZ, postgrade à l’IMD, François Parvex, 65 ans, issu d’une famille belgo-suisse, a été Manager régional à La Vallée de Joux durant huit ans, avant de mener ensuite un projet pilote de centre de gestion des connaissances sur le développement des régions de montagne. Ses activités s'orientent principalement dans la planification de stratégies territoriales, la planification et la gestion de projets de développement ainsi que dans la gouvernance communale et régionale. Il a même des clients jusqu’en Afrique, au Sahel notamment. Domicilié à Vermala, il est notamment actif sur le Haut-Plateau dans la réalisation d’un PDR, comprenez Projet de Développement Régional.
Derrière cette appellation se cache une réalité: «Notre agriculture est menacée, il lui faut des projets innovants afin d’assurer sa pérennité et éviter qu’un jour - pas si lointain - nous devions importer des agriculteurs étrangers pour faire vivre nos domaines, produire notre nourriture et entretenir nos paysages. En effet, il faut être conscient que les jeunes sont loin, très loin, de se bousculer pour reprendre les troupeaux ou les vignes de leurs parents. Et reprendre un domaine coûte très cher.»
Manne précieuse pour les agriculteurs
Une solution, ce sont donc ces fameux PDR, «une manne précieuse pour les agriculteurs. Car le financement des coûts retenus se répartit à leur avantage: 40% pour la Confédération, 40% pour le canton, 10% pour les communes et 10% pour le paysan. Sous l’impulsion de décideurs particulièrement impliqués et convaincus de la nécessité d’une nouvelle politique agricole, à l’exemple du président Nicolas Féraud, les autorités vont même prendre en charge une partie voire la totalité de ce dernier 10%. Vous m’avez bien entendu: les exploitants n’auront que très peu d’argent à débourser! Une générosité intercommunale que je tiens à souligner…» De quoi réjouir celui qui travaille une vigne à Ollon et dont la sœur est éleveuse avec son compagnon. Un atout pour convaincre ses interlocuteurs de la région.
100% de participation
La méthode de travail, elle, est participative, ainsi que le souligne François Parvex: «Il y a une loi-cadre qui définit les conditions de ces projets, et le processus est assez long puisqu’on parle ici de business plans sur six ans. Nous avons commencé par inviter tout le monde à débattre et à apporter des idées. L’accueil a été idéal: tous les éleveurs, tous les vignerons ont répondu présent. Nous avons ensuite développé les projets sur cette base avec les producteurs intéressés.»
De quoi voir le futur de façon optimiste. «Le constat de départ est partagé par tout le monde et l’on doit se montrer créatif pour que les exploitations agricoles permettent aux familles d’assurer l’avenir des futures générations.»
Besoins d’accompagnement
Les projets sont des plus variés. «Une fromagerie, des lits d’hôtes un parcours à travers le vignoble, une maison des vins et terroirs.» Mais cela ne suffit pas, insiste notre interlocuteur. «L’agriculture contemporaine, orientée de plus en plus vers le bio, devient de plus en plus complexe. Il faut donc absolument proposer de nouvelles formations et renforcer l’accompagnement. Je me demande parfois si le Canton du Valais est conscient du besoin accru de vulgarisation agricole. Pas seulement s’agissant des technologies, de la biochimie ou de l’administration, mais aussi dans le domaine capital qu’est le marketing pour l’essor de ces projets.»
Une bergerie communale?
Autre élément très important lorsqu’on développe des PDR, la structure même de nos exploitations. «Avec notre ministre Christophe Darbellay, qui était mon condisciple, nous avions à l’EPF de Zurich un grand professeur de gestion rurale nommé Jean Vallat. Il nous répétait souvent: "Le Valais, c’est le temps partiel", avec le risque de déprise agricole qu’il entraîne.» Rien n’est plus exact, en France également, les municipalités sont confrontées à ce problème. «Certaines ont créé des fermes municipales pour assumer les fonctions que les exploitations privées n’exercent plus. Peut-être faudrait-il créer une bergerie communale pour entretenir les prés de la région qui ne sont pas pâturés ou infestés de plantes envahissantes et produire des spécialités locales.»
Pionnière dans le canton en matière de gestion de l’eau, bientôt informatisée, la région de Crans-Montana va devoir aussi relever ce défi. «Je pense que dans le cadre d’une politique agricole modernisée et tenant compte de l’évolution du climat sous nos latitudes, il faudra étendre notre approche au niveau du district. Sur l’autre rive, ils ont par exemple des réserves d’eau qu’ils nous vendraient sans doute volontiers.»
L’atout climatique
Mais le climat ne cause pas que des problèmes à Crans-Montana. «Nous sommes une petite ville entourée de beaux villages. Avec ses 15'000 habitants si l’on englobe Lens et Icogne, la région s’inscrit dans le chapelet de petites villes de dimension similaire qui constituent le Valais: Martigny, Sierre, Brigue… Notre atout, c’est notre situation en pleine nature, avec un ensoleillement incroyable, le golf, le ski, le vélo, les balades, mais aussi - cela aura une grande importance dans le futur - la fraîcheur dont nous bénéficions en saison chaude. Autrement dit, toutes les qualités qui participent d’un développement harmonieux et favorisent l’accueil de nouveaux habitants et d’entreprises dans des domaines prometteurs.»
Par Jean-François Fournier